
Architecte d'intérieur
JULIETTE LEUREGANS
Juliette Leuregans est architecte d’intérieur. Et elle vient d’avoir 50 ans.
Si elle insiste sur ce point en souriant, ce n’est pas parce qu’elle le vit mal mais au contraire
parce qu’elle peut s’appuyer sur une vie professionnelle bien remplie pour envisager de
nouveaux choix, de nouvelles options.
Après un parcours atypique et plutôt autodidacte, elle est finalement diplômée en 1996 et,
major de sa promotion, est aussitôt embauchée dans l’agence d’architecture d’intérieur de
sa présidente de jury.
C’est alors l’apprentissage et la découverte d’une passion au-delà d’un métier, la volonté de
faire cohabiter le beau et l’utile, de se focaliser sur l’amélioration de l’habitat.
La rencontre avec les matériaux, les matières, le savoir-faire et surtout l’humain.
Écouter, anticiper, retranscrire, créer sans dénaturer, et par-dessus tout respecter.
Ce sont ces valeurs qui guideront son approche et sa façon de travailler.
Mais comme elle se plaît à le rappeler « certains ont oublié qu’à cette époque pas si
lointaine, notre métier ne s’adressait qu’à une élite financière. En gros, ou tu avais de
l’argent et tu avais accès à cette forme d’esthétisme, ou tu n’en avais pas et c’était l’utile qui
prévalait ».
Constat qui finira par l’éloigner trois ans plus tard de cette clientèle très haut de gamme
pour tenter de travailler sur la démocratisation de l’amélioration de l’habitat.
« Je me suis entendue annoncer un matin à un client le prix d’un devis vraiment exorbitant
et nous réjouir qu’il était moins élevé qu’attendu. J’ai eu un déclic. J’avais basculé du côté
obscur de la force » Rire.
Elle tente sans succès d’intégrer le milieu très fermé des bailleurs sociaux et décide alors de
monter sa propre structure.
Elle collabore avec une amie architecte dplg et enchaîne les projets de rénovation.
Particuliers, bureaux, agences, restaurants,… jusqu’à ce que les hasards de la vie la mettent
sur le chemin de la grande distribution.
« J’ai accepté de remplacer au pied levé un copain archi d’intérieur comme moi sur une
mission pour Leroy Merlin. C’était complétement irréel comme univers, totalement
déconnecté de mon quotidien, mais les balbutiements de la démocratisation étaient là et je
voulais y participer »
Même si elle n’est pas dupe de ce que beaucoup pensent de la grande distribution, elle
accepte sans compromis des missions de plus en plus nombreuses et variées.
Elle applique les codes de l’architecture et de la décoration d’intérieur pour restructurer des
gammes esthétiques et abordables, les maille pour créer des projets cohérents et
accessibles, les met en scène dans les magasins et leur donne de la visibilité via la presse, le
web et plus récemment les réseaux sociaux.
20 ans plus tard c’est pari gagné, les enseignes déco sont nombreuses, les relais médias
incontournables, chacun peut rêver et réinventer son intérieur et surtout le réaliser.
Ses influences architecturales n’ont pas changé mais elles se sont élargies.
Toute jeune archi elle est émerveillée par le courant scandinave, ses designers et architectes
tels qu’ Aalto, Saarinen, Jacobsen mais aussi par le trait de Prouvé ou Perriand qui
dessinaient pour le plus grand nombre avec l‘objectif de l’industrialisation et la fabrication
en série.
Quand on lui demande quelles sont ses sources d’inspiration aujourd’hui, elle répond des
étoiles dans les yeux que la beauté de ce métier est que tout est source d’inspiration, du
dessin d’un enfant au graphisme d’une plante, d’une image de pub à une échappée en ville,
du travail remarquable de jeunes architectes et designers.
Et aussi d’une évolution sociologique et environnementale qui interroge.
De cette interrogation est née l’envie d’un projet simple.
« Je chine beaucoup, c’est mon moment de décompression, comme un retour en enfance.
Ce sentiment joyeux d’une chasse aux trésors, où une perle peut se trouver au détour d’une
rue et d’un stand ».
Mais au-delà de cette recherche, c’est aussi la notion de transmission du patrimoine qui
importe. Ne pas laisser filer et se perdre la main de l’artisan qui a crée et fabriqué, l’histoire
de l’objet qui a survécu aux années, qui souvent est imité quand l’original est jeté.
Forte de toutes ces approches s’est imposé la création de « Scénos. »
Proposer des assemblages d’objets, de textiles, de luminaires, de matières, de
photographies ou de peintures, tout à la fois chinés, de fabrication artisanale, artistique, ou
résultant d’un coup de cœur dans la multitude de l’offre actuelle, vendu sous forme de lot et
à prix abordable.
Parce que chaque assemblage raconte une histoire que chacun peut lire et s’approprier
même s’il ne sait pas l’écrire.
C’est une idée simple qui ne cherche pas à être innovante mais qui met une expérience et un
savoir-faire au service de tous. Ce qui est finalement le fer de lance de Juliette Leuregans.
Et quand on l’interroge sur la dimension écologique de ce projet, sur le fait de donner un
second souffle à l’objet, sa réponse est aussi simple :
« Je ne cherche pas à surfer sur la vague de l’écologiquement correct. Être attentif à son
environnement et le protéger comme on peut doit être induit dans chacun de nos actes.
Je n’ai ni l’envie ni le besoin de le revendiquer haut et fort. Comme dit ma fille, on
n’applaudit pas un poisson qui sait nager »